© Bernard Tubiermont
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Maya Levy, la Zingara

Le premier « Concert Croissant » de la saison affichait complet ce matin à Bozar. Les quelque 250 mélomanes rassemblés sur la scène de la magnifique salle Henry Le Bœuf n’ont pas boudé leur plaisir.

Il faut dire que la lauréate du Prix Caecilia de la Jeune Musicienne de l’Année 2023, à qui la récompense fut enfin remise ce dimanche après deux ans d’attente, a confirmé par sa prestation combien celle-ci était méritée !  

Vêtue d’une longue robe bordeaux agrémentée de quelques volants, la violoniste belge de vingt-huit ans a une nouvelle fois dévoilé son tempérament fougueux dans un programme qu’elle maîtrise sur le bout des doigts. Bien loin de profiter de ce concert matinal « bon enfant » pour nous servir quelque romance, pavane ou autre légèreté, Maya et sa comparse, la pianiste franco-japonaise Marina Saiki, ont choisi de ne pas se faciliter la tâche pour offrir à leur public un véritable feu d’artifice sonore.

Dès l’entame du programme, Birds in Warped Time II de Sōmei Satō, habile compositeur du Pays du Soleil Levant, a subjugué par ses multiples beautés. Cette œuvre, au carrefour du minimalisme, du néoromantisme et de la musique traditionnelle japonaise, a permis à Maya Levy de montrer l’élégance, le lyrisme et l’assertivité de son jeu. Faisant montre d’une diversité éblouissante, tant dans l’articulation que dans la dynamique, mêlant harmoniques et glissandi suaves à des sforzandi alertes et interrogatifs, la jeune violoniste a sublimé cette partition captivante, dont la pianiste a superbement contribué à mettre en valeur la sensualité. Il nous tarde de réentendre cette splendide interprétation à l’occasion d’un enregistrement qui, espérons-le, ne se fera pas attendre trop longtemps.

Dans un autre registre, non dénué cependant d’un certain exotisme, la Sonate pour violon et piano en ré mineur, opus 9,de Karol Szymanowski résonna ensuite dans la salle Art Nouveau. L’œuvre qui avait permis à Maya de révéler toute l’étendue de ses talents en 2018, lors de la finale du concours baptisé d’après le compositeur polonais, mit davantage encore en relief sa maîtrise technique et sa virtuosité. Se jouant des extrêmes difficultés de cette page riche en couleurs – et notamment des pizzicati diaboliques – Maya n’a pas pour autant manqué de restituer toute la poésie et tous les coloris dont est porteuse la partition.

Que dire, enfin, de Tzigane de Ravel, sinon que Maya Levy en a été, pour ainsi dire, l’incarnation parfaite ? Surmontant à nouveau avec une facilité déroutante les écueils de cette page emblématique des œuvres de bravoure pour le violon, la musicienne en a merveilleusement rendu la fébrilité, le mordant et la lascivité. Seuls ceux qui écoutaient les yeux fermés purent ne pas voir en la violoniste la gracieuse bohémienne que l’auteur du Boléro, de L’Heure espagnole et d’Alborada del gracioso avait en tête lorsqu’il plancha sur cette partition. Ses longs cheveux ondulés d’un brun foncé virant au noir, son teint hâlé, ses mouvements de danse virevoltants, ses claquements de pied évoquant une danseuse de flamenco, tout, dans sa tenue, ses gestes et son ardeur impétueuse semblait vouloir traduire les visions de Ravel. 

Nous serions d’une ingratitude impardonnable si nous ne mentionnions au passage la grâce et la beauté du jeu, aussi contrasté et lumineux, de Marina Saiki, avec laquelle Maya Levy engage une nouvelle collaboration. Voilà un duo qui recèle bien des promesses et dont nous entendrons, à coup sûr, encore beaucoup parler ! 

 Bozar, 14 septembre 2025

© Bernard Tubiermont
Foto van Olivier Vrins

Olivier Vrins

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